IDÉES
Romain Roy : «L’immense potentiel du photovoltaïque de toiture n’est pas pris en compte dans la planification énergétique»
11 DECEMBRE 2024
Alors que la Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE3) est actuellement en consultation, Romain Roy, président de Groupe Roy Énergie, revient pour nous sur le potentiel méconnu du photovoltaïque installé sur des zones artificialisées et alerte sur le manque de stabilité du secteur. Selon lui, une stratégie plus cohérente permettrait d’atteindre des objectifs économiques et climatiques plus ambitieux en moins de 10 ans.
Si tout se passe comme prévu, la Programmation Pluriannuelle de l’Energie devrait être publiée au premier trimestre 2025, avec un objectif avoisinant 60GW de photovoltaïque à horizon 2030 et 100GW à horizon 2035. Cela représente-t-il une reconnaissance du potentiel de l’énergie solaire ?
Si l’on peut considérer que ces objectifs sont satisfaisants pour la filière car ils affichent la volonté d’augmenter la puissance totale de 74 TWh en 10 ans, nous sommes encore très loin d’avoir une compréhension collective des enjeux. En effet, ces chiffres mêlent les installations photovoltaïques sur les toitures et celles sur les champs solaires. Les données ne sont pas encore définitives, mais il est estimé qu’environ un quart de cette production photovoltaïque pourrait provenir de parcs solaires installés en pleine nature, ce qui pose des problèmes écologiques et économiques. Cela est d’autant plus aberrants que nous disposons déjà de nombreuses surfaces artificialisées, telles que les toitures, les parkings ou les autoroutes, qui pourraient être utilisées de manière plus pertinente. Selon l’ADEME, le gisement disponible des toitures a été identifié en France à plus de 350 GW, soit plus du triple de l’objectif maximal de la PPE pour l’ensemble du photovoltaïque. Imaginez un instant : si nous couvrions toutes les autoroutes de France d’ombrières, nous serions capables de produire six fois la consommation énergétique de toute l’Europe !
Le débat sur la planification énergétique doit-il alors se concentrer sur la répartition entre les parcs solaires, les toitures et les ombrières ?
La question est de savoir ce qui justifie de couvrir des terres agricoles de panneaux solaires, de défricher des zones arbustives et d’empêcher la plantation d’arbres alors que nous avons suffisamment de surfaces artificialisées pour exploiter l’énergie du soleil. Non seulement les parcs solaires menacent la biodiversité, mais ils créent des îlots de chaleur. De plus, lorsque des arbres et des arbustes sont coupés, cela empêche la captation du carbone. À l’inverse, si l’on recouvre une autoroute d’ombrières, cela crée de la fraîcheur sans nuire à la nature. Il faut également prendre en compte que la consommation doit se faire au plus près des zones de production, avec, par exemple, des bornes de recharge au bord de l’autoroute : si des câbles doivent être tirés sur des centaines de kilomètres, jusqu’à 30% de l’énergie peut être perdue, ce qui n’est ni écologique ni économique. Et ce n’est pas de la science-fiction : à Bordeaux, le recouvrement de la rocade pourrait permettre d’alimenter en énergie décarbonée plus de 300 000 habitants ainsi que l’ensemble des industries locales… Il est temps de sortir d’une logique d’énergie centralisée, comme c’est le cas avec le nucléaire, l’hydraulique ou les grandes centrales solaires, afin de lancer une dynamique collective autour d’une énergie locale, qui se partage sans empiéter sur les zones naturelles. Nous avons tout à y gagner : en moins de 10 ans, nous pourrions relancer la croissance, créer des milliers d’emplois locaux et renforcer notre souveraineté en consommant une énergie « made in France ».
Que faudrait-il faire selon vous pour lancer une dynamique plus vertueuse pour la planète et l’économie ?
Si l’État voulait soutenir l’énergie photovoltaïque, respectueuse de la nature, il ne faudrait en tout cas aucune subvention, car nos modèles économiques sont rentables. En revanche, nous avons absolument besoin d’un cadre plus cohérent et plus stable. Comment voulez-vous travailler correctement quand les tarifs de rachat de l’électricité sont calculés tous les 3 mois, avec 3 mois de retard ? Il suffirait déjà de proposer un tarif annuel, communiqué à l’avance, pour que toute la filière puisse accélérer considérablement. Cela permettrait également de faire des économies en évitant un laborieux travail trimestriel ! Il faut aussi plus de cohérence au niveau fiscal : l’annonce d’une TVA réduite sur les projets photovoltaïques de moins de 9 kWc serait un signal fort qui montrerait la volonté de l’État de soutenir une énergie renouvelable locale et propre. Enfin, il faudrait miser sur l’information de la population et la formation des agents de la fonction publique, car nous sommes confrontés tous les jours au manque de connaissances des différentes parties prenantes. J’aime bien cette phrase qui dit que le durable, c’est prendre le temps de faire pour longtemps. Mais si nous travaillions ensemble avec plus de courage, de compréhension des enjeux et de cohérence, la transition énergétique pourrait se faire très vite…
« Si l’État voulait soutenir l’énergie photovoltaïque, respectueuse de la nature, il ne faudrait aucune subvention, car nos modèles économiques sont rentables. En revanche, nous avons absolument besoin d’un cadre plus cohérent et plus stable. »